David Dufresne, "Dernière Sommation", @editionsgrasset , 2019. @davduf_ .
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Dernière sommation, c’est le roman du contre-discours, celui qui vient s’opposer au discours politico-médiatique dominant. S’inscrivant dans les failles de celui-ci, David Dufresne raconte l’histoire d’un soulèvement populaire et la violente réplique qui se jouent, ici même en France, sous nos yeux, dans nos rues, parmi nous.
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Dans ce roman, on suit le parcours du journaliste Etienne Dardel – personnage autofictif de l’auteur—qui se lance dans une mission de recensements des violences policières sur Twitter, notamment les éborgnés, les mutilés, les blessés. Mission et métier difficile, « véritiste » comme dira son fils au cours du récit, c’est aussi la vie privée et intime du personnage qui est bousculée. Les Gilets Jaunes sont éminemment présents à travers par exemple les personnages de Vicky, à Paris, et de sa mère, Gilet Jaune du rond-point du Tarn, où le mouvement semble renouer les liens familiaux jusqu’ici brisés. Vicky, c’est une parmi d’autres qui perd sa main lors d’une manifestation. De l’autre côté, il y a aussi Dhomme, le directeur de l’ordre public, dépassé par ses « troupes » qui ne lui obéissent pas, et par sa vie privée qui prend le dessus de ses fonctions ; et puis il y a son adjoint, Serge Andras… Autant de personnages qui incarnent des opinions, des fonctions et des aspects différents de cette « guerre sociale ». Mais aussi, et surtout, des personnages traversés et divisés par des difficultés, des problèmes personnels ou familiaux, intimes ou professionnels ; en somme, des humains à bout, fatigués, bouleversés par cette violence physique, psychique et systémique qui s’abat sur eux.
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Ici, le dispositif romanesque permet d’introduire une pluralité de personnages et de point de vues, une multiplication des focalisations afin de comprendre ou tenter de saisir les enjeux qui se jouent de part et d’autres de cette situation sociale. Ecrire un discours autre, alternatif, croiser les regards et surtout, aussi, donner la parole.
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Jean-Christophe Bailly, "L’Instant et son ombre", @editionsduseuil , 2008. 📷🖌
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Peut-être vous est-il déjà arrivé de ressentir une émotion étrange, un sentiment intriguant, mystérieux face à une photographie, comme une once de familiarité ou de déjà-vu, sans pour autant vous souvenir qui ou quoi cette photographie vous évoque. Pour Jean-Christophe Bailly, c’est en se procurant une carte postale d’une des toutes premières images photographiques, celle de William Henry Fox Talbot, The Haystack, que cette photographie lui en évoque une autre. Cette autre photographie, qui s’associe presque instantanément à celle de Talbot, c’est une des empreintes lumineuses que la bombe d’Hiroshima a imprimé sur le mur. Ce sont une échelle et son ombre, et l’ombre d’une personne. Dans ce montage mental visuel des images, produit par l’inconscient tel une image issue du rêve, Jean-Christophe Bailly voit « s’ouvrir un écart : l’espace d’un livre, toute une affaire à raconter, celle du chemin allant de l’une à l’autre ».
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Jean-Christophe Bailly livre un récit fascinant sur la connexion entre ces deux images, séparées d’un siècle, marquant pour l’une la joie de la naissance de la modernité, et signant pour l’autre le destin tragique de l’humanité vouée à sa propre destruction, à sa disparition. C’est un texte riche qui, au-delà de son sujet extrêmement intéressant, dérive également sur un discours parallèle sur l’origine et l’essence de la photographie, mais aussi plus largement sur l’image (qui n’est pas, faut-il le rappeler, uniquement liée à la photographie).
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Si j’ai moi-même lu ce texte dans le cadre d’un séminaire, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire et je le conseillerai volontiers à quiconque s’intéressant aux rapports entre littérature (ou récit) et photographie ou tout simplement à la photographie. Nul besoin de connaissances particulières sur le sujet, la curiosité de l’auteur et sa fascination face à cette image latente qui s’interpose entre celle de Talbot et celle de la catastrophe, rythment le texte. C’est un récit très bien écrit, avec de belles phrases très marquantes. .
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📷 « Un matin, je me suis levée après le départ de M. Quand je suis descendue et que j’ai aperçu, éparses sur les dalles du couloir, dans le soleil, les pièces de vêtements et de lingerie, les chaussures, j’ai éprouvé une sensation de douleur et de beauté. Pour la première fois, j’ai pensé qu’il fallait photographier tout cela, cet arrangement né du désir et du hasard, voué à la disparition. Je suis allée chercher mon appareil. Lorsque j’ai dit à M. ce que j’avais fait, il m’a avoué qu’il en avait eu envie lui aussi. »
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Tel est le projet littéraire de ce texte publié en 2005 chez Gallimard, écrit à deux mains, par Annie Ernaux et Marc Marie son compagnon de l’époque, tissé à partir d’une compilation de photos et de leurs commentaires, se vouant à une tentation de saisir littéralement la Photographie : la fascination de la pratique, le trouble face à la photographie matérielle entre les mains, la saisie de ce qu’elle contient. Suivant une logique qui s’apparente à celle du récit, où les photos sont une partie intégrante du texte, L’Usage de la photo conte le déroulement du projet, de son initiation jusque sa fin. Autrement dit, étant inexorablement lié à leur relation, ce livre est une sorte de « journal intime » de leur histoire, « de l’année 2003 » pour reprendre les mots de Marc Marie. Ces photos, outre la représentation matérielle du Temps, sont source de plaisir et de création littéraire.
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[RENTRÉE LITTÉRAIRE - KARINE TUIL "LES CHOSES HUMAINES" @editions_gallimard ]
Karine Tuil frappe encore avec un roman d’actualité éminente, en insérant son récit en pleine société post attentats terroristes, affaire Weinstein, mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, et s’inspire de l’affaire de Stanford. Avec Les Choses humaines, Karine Tuil signe un roman qui ne peut que susciter le débat, la discussion, et on espère, la réflexion. Et puis surtout, de la colère.
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J’avais beaucoup aimé son dernier roman, "L’Insouciance"; j’avais accroché dès les premières phrases. En revanche, avec "Les Choses humaines", j’ai été un peu déçue au début. Il a fallu voir attendre la page 100 pour que le roman me captive autant que son précédent. Car c’est à partir de ce moment que le roman opère un renversement, tant pour notre lecture que pour les personnages de ce récit qui entrent en « territoire de la violence » (titre de la seconde partie du roman). A ce moment-là, tout bascule. Les personnages qui nous sont présentés tout au long de ces cent premières pages, que l’on peine à apprécier (les personnages), se retrouvent confrontés à une réalité bouleversante. Jean Farel est un journaliste très talentueux et reconnu, a sa propre émission télévisée « Grand O » depuis des années, connu notamment pour ne pas avoir fait d’études et avoir bravement monté les échelons. Sa femme, Claire, est une grande essayiste française, féministe. Leur plus grande fierté, c’est leur fils Alexandre : excellent élève, diplômé de polytechnique, étudiant à Stanford, l’université la plus prestigieuse des Etats-Unis, grand champion sportif en trail… Bref, le fils « parfait », à l’image de cette famille prestigieuse où tout leur réussi. Mais un jour, l’accusation d’un viol va mettre en péril l’image de cette famille, et détruire plus d’une vie humaine… ou pas.
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➡️ La suite de l’article, et notamment ce que j’en pense, sur mon blog ! ‼️ Mais si vous ne l’avez pas lu et ne voulez pas en savoir plus vous pouvez vous arrêter là. En revanche, si vous êtes curieux... ⬆️
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[RENTRÉE LITTÉRAIRE - JULI ZEH, "NOUVEL AN" @actessud ]
Pendant les vacances de Noël sur l’île de Lanzarote, c’est tout sauf le soleil illuminant les montagnes qui anime le séjour de Henning. C’est le vent, surtout, qui souffle. Henning et sa femme Theresa ont décidé de passer les fêtes sur l’île avec leurs deux jeunes enfants – s’éloigner du quotidien, entre autres. Mais pour Henning, impossible d’échapper aux crises d’angoisse qu’il fait depuis maintenant un certain temps. Crises qui pèsent d’ailleurs sur la famille. Alors qu’il se sent à bout, le premier janvier il loue un vélo et décide de rouler jusqu’au sommet des montagnes. Manquant d’entraînement, il épuise bientôt toutes ses forces et se retrouve en hypoglycémie. Lorsqu’il se réveille de son malaise, une femme, blonde les cheveux attachés en tresse comme le faisait sa mère, s’occupe de lui. Alors qu’elle lui fait une petite visite de la maison, Henning a la vague impression de connaître le lieu. Refoulés au plus profond de lui-même, de traumatisants souvenirs font surface. Henning se trouve face à son passé qui a, visiblement, laissé des traces.
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Si dans l’ensemble la lecture du roman n’a pas été déplaisante, seule la partie où la narration plonge dans les souvenirs d’enfance de Henning – c’est-à-dire à la source même du traumatisme – m’a paru intéressante. Le début du roman, non pas qu’il soit entièrement inintéressant, est trop long à mon goût, et surtout trop lent. Il m’a fallu passer les cent premières pages pour enfin savourer la lecture… Et peut-être pourrait-on même se passer de la dernière partie, qui semble mettre un terme au traumatisme comme un coup de baguette magique – liberté du roman certes, mais je n’ai pas été convaincue. Pour moi, le roman ne se tient que sur une centaine de pages, le reste n’est que décor, ne sert que de cadre. J’aurais aimé un roman qui entre en profondeur sur la complexité psychologique de ce personnage (il me semble que l’expérience traumatisante décrite l’aurait permis), que l’angoisse dont Henning est saisie se ressente tout au long du roman, et non pas un texte dans la retenue et la soudaine « révélation » du traumatisme clôturant le récit… .
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